La guipure d’Irlande est une des plus connues des dentelles au crochet. La dentelle au crochet a longtemps été considérée comme un ersatz de la « véritable dentelle » faite à l’aiguille ou aux fuseaux, du fait de son outil, également utilisé dans la dentelle à la fourche et le filet au crochet, et récemment remis à la mode par les amigurumis. Les autres dentelles d’Irlande sont des dentelles mixtes et à l’aiguille.
Une abondante littérature de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle a été consacrée à la guipure d’Irlande — et est désormais accessible gratuitement en ligne.
La dentelle au crochet
L’outil
Le crochet tel que nous le connaissons a d’abord été utilisé en Europe à partir du XVIIIe siècle, pour la broderie sur tambour, comme le crochet de Lunéville actuel.
Probablement simultanément, les bergers écossais utilisaient le crochet pour la production de tissus en laine.
La distinction entre les crochets fins (en fer, fixés sur un manche à mandrin, à cette époque antérieure à l’acier inoxydable) pour crocheter le fil fin, et les gros crochets en bois ou en os (« crochet de berger ») pour tricoter des tissus en laine semble dater de cette double origine.
Premiers ouvrages sur le crochet
Les premières instructions pour crocheter des ouvrages datent du début du XIXe siècle, dans le magazine néerlandais Penélopé : en 1823 pour les ouvrages fins, et en 1833 pour les lainages « au crochet de berger ».
Naissance et promotion de la guipure d’Irlande
La dentelle à l’aiguille et la dentelle aux fuseaux étaient pratiquées en Irlande bien avant l’apparition de la dentelle au crochet. Elles étaient enseignées dans les couvents et dans les workhouses pour enfants de Dublin, mais il semble que leur commercialisation n’était pas très développée.
Au début de la Grande famine irlandaise (1845-1852) apparait la guipure d’Irlande, une imitation au crochet du Gros point de Venise, lequel était bien connu et pratiqué par les nonnes des couvents catholiques. L’enseignement de cette nouvelle dentelle devient une des mesures de lutte contre la paupérisation et la famine.
Pendant et après la Grande famine, des écoles de dentelle sont ouvertes par les philanthropes irlandais, pour revitaliser l’économie locale. Hommes, femmes et enfants peuvent y apprendre gratuitement la dentelle au crochet, puis vendre leur production.
La guipure d’Irlande : d’abord une imitation…
Le très recherché Gros point de Venise, une dentelle à l’aiguille du XVIIe siècle, se trouvait à nouveau à la mode au XIXe siècle — en sont témoins ses multiples imitations peuplant nos musées. Il existe ainsi du Venise daté du XIXe siècle provenant de toute l’Europe, réalisé à l’aiguille, mais aussi aux fuseaux.
La technique de la guipure d’Irlande, au crochet, permet de réaliser des imitations des modèles vénétiens bien plus rapidement que les deux autres techniques dentellières. L’enseignement de la dentelle au crochet est également rapide, et les ouvrages terminés sont vendus bien moins cher.
… puis une technique trouvant son propre style
La technique de la guipure d’Irlande consiste à crocheter des motifs simples, souvent floraux, que l’on fixe ensuite sur un tissu porteur. Des brides sont alors crochetées entre les motifs, puis le tissu porteur est retiré, donnant à voir la dentelle terminée.
Au XIXe siècle, le terme de « guipure » est attribué aux dentelles comportant des motifs reliés par des brides, sans fond, quelle que soit leur méthode de réalisation.
Livres et modèles gratuits
Arrivée avec les émigrés d’Irlande, la guipure d’Irlande connait un grand succès éditorial aux États-Unis puis dans toute l’Europe. Les ouvrages de dentelle au crochet se multiplient de la fin des années 1840 aux années 1920.
La plupart de ces documents sont tombés dans le domaine public, et on peut les trouver en ligne sur plusieurs sites :
- la bibliothèque Antique Pattern Library : dentelles irlandaises au crochet ;
- l’Université de l’Arizona propose également des livres de crochet irlandais ;
- les bibliothèques du Smithsonian : quelques livres sur le crochet, dont l’Album de guipure d’Irlande de Mme Hardouin, vol. 1 à 6, en français.
Des amigurumis ?
L’Album de guipure d’Irlande peut aussi servir de référence pour des amigurumi d’insectes ou de plantes, avec ses modèles en 3D (volumes 3 et 4 ; motifs 41 à 77).
D’autres dentelles irlandaises
Suite à la Grande famine, d’autres dentelles émergent ou se voient commercialisées, dans le même effort de redressement économique du pays par la promotion de l’artisanat local :
- le Carrickmacross, dentelle mixte introduite en 1820 et sans succès avant la Grande famine, en tulle mécanique appliqué de mousseline et orné de dentelle à l’aiguille ;
- la dentelle mixte de Limerick introduite en 1829, brodée à l’aiguille ou au crochet sur tulle mécanique ;
- les dentelles à l’aiguille de Kenmare et de Youghal, apparues après la Grande famine.
Sources
- vidéo de Marielle Olivier, MOF guipure d’Irlande en 2011
- articles Wikipedia (anglais) Crochet, Crocheted lace, Irish lace, Kenmare lace
- illustrations : Aiguille (sic) de brodeur dans L’Encyclopédie (ENCRE) ; Crochet de berger ; dentelle de Youghal et dentelle de Limerick au MET ; Album de guipure d’Irlande (Hardouin)