
Dentelle proche de la dentelle Torchon, à laquelle elle emprunte souvent sa grille carrée, la dentelle Cluny se fait une spécialité des tresses et ganses, et surtout des points d’esprit.
C’est un style de dentelle récent, qui continue d’évoluer grâce à l’inventivité des dentellières, notamment dans le centre dentellier de Brioude, en Haute-Loire.
Pourquoi « Cluny » ?
En 1843 est créé à Paris, dans l’Hôtel de Cluny, un musée dédié aux collections médiévales et de la Renaissance d’Alexandre du Sommerard, conseiller-maître à la Cour des comptes.

Cet hotêl particulier tire son nom des abbés de l’ordre de Cluny, dont il a été le lieu de résidence du XIIIe siècle au XVIIe siècle. Reconstruit au XVe siècle, il a conservé depuis l’essentiel de son architecture de style gothique flamboyant.
Dans l’engouement des arts décoratifs du XIXe siècle pour les styles médiévaux, les dessinateurs de dentelle trouvent l’inspiration dans les dentelles de la Renaissance exposées lors de l’ouverture du musée de Cluny, et nomment ce style : dentelle Cluny.
Les dentelles de la Renaissance




Les dentelles exposées au musée de Cluny à son ouverture sont similaires à celles publiées par Federico Vinciolo, vénitien, en 1623 à Paris. Ces dentelles sont maintenant dans les collections du Musée de la Renaissance à Ecouen.
Le succès de la dentelle « de style Cluny »
Les dessinateurs du XIXe siècle s’inspirant de Vinciolo en font un succès et la dentelle Cluny se répand rapidement dans toute l’Europe.
En France, le centre dentellier de Mirecourt, dans les Vosges, est le premier à déposer l’appelation « Cluny ». La région du Puy-en-Velay, en Haute-Loire, développe également la dentelle d’inspiration médiévale, qui y devient une des dentelles les plus fabriquées. La Normandie n’est pas en reste, en témoigne le livre de Mylène Salvador et Mick Fouriscot sur « les dentelles de Cluny produites ou reproduites en Normandie ».
Le style Cluny n’est pas fixé de façon rigide ; il évolue au gré du goût du jour.
La dentelle Cluny au Puy-en-Velay
De très beaux spécimen du milieu du XIXe siècle sont conservés au musée Crozatier du Puy-en-Velay.


Comme on le voit sur les deux échantillons de dentelle de laine ci-dessus, produits entre 1855 et 1860 au Puy-en-Velay, le Cluny naissant déploie une abondance de points d’esprit.


En fil blanc, les cordes picotées sont bien reconnaissables (à gauche, vers 1860 ; à droite, 1865).
La dentelle Cluny en Normandie
Un nombre important de dentelles de style Cluny, du XIXe siècle et du début du XXe siècle, est conservé dans les musées de Villedieu-les-Poêles. On peut y voir l’évolution du style Cluny, des motifs géométriques inspirés de la dentelle Reticella des débuts, aux formes bien plus libres, composées essentiellement de points d’esprit et de cordes picotées.




Le Cluny de Brioude
Cette appellation est le fruit du travail et du talent d’Odette Arpin, une des Meilleures ouvrières de France en dentelle Cluny en 1986 et fondatrice, la même année, de l’Hôtel de la Dentelle, à Brioude, en Haute-Loire. Cet établissement comporte un volet patrimoine avec son Conservatoire des Arts textiles, consacré à la collecte et à la recherche sur la dentelle et le matériel dentellier ; mais c’est également un centre d’enseignement agréé, un fournisseur dentellier et un centre de création contemporaine.



Le Cluny de Brioude s’inspire du style Cluny en présentant des formes élégantes, fluides, souvent dissymétriques.



Le Cluny polychrome de Brioude est un raffinement ultérieur, une dentelle de soie et de couleurs qui a séduit la haute-couture.
Sources
- Hôtel de Cluny sur Wikipédia
- Dessin de l’hôtel de Cluny : Viollet le Duc, 1856
- Extraits du livre de Vinciolo : Gallica
- Musée de la Renaissance : dentelle médiévale
- Musée Crozatier du Puy-en-Velay
- Réseau des Musées de Normandie : photos Virginie Dedenis, sous licence CC BY-NC-SA
- Hôtel de la Dentelle de Brioude