La dentelle dans l’Encyclopédie

L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, éditée de 1751 à 1772 sous la direction de Denis Diderot (1713–1784) et de Jean Le Rond d’Alembert (1717–1783), consacre un article et trois planches à la dentelle.

L’article traite exclusivement de la dentelle au fuseaux, puisque la dentelle à l’aiguille se nomme alors « point ».


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Article « Dentelle » de la première édition

Cet article est paru dans le tome 4 de l’Encyclopédie, en 1754. Il a été rédigé par Jean-Michel Papillon (1698 – 1776), graveur sur bois et encyclopédiste français. Il en existe une transcription sur Wikisource en orthographe d’origine.

L’article numérisé
Introduction

DENTELLE, s. f. ouvrage en fil d’or, d’argent, de soie ou de lin, &c. qui se fait sur un coussin avec un grand nombre de petits fuseaux, un dessein tracé sur du papier ou conçû d’imagination, & deux sortes d’épingles, & qu’on peut regarder comme un composé de gase, de toile & de broderie ; de broderie, avec laquelle il a un grand nombre de points communs, voyez Point & Broderie : de toile, parce qu’il y a des endroits où il y a proprement chaîne & trame, & où le tissu est le même que celui du tisserand ; voyez Toile : de gase, parce qu’on y exécute des desseins, & que les fils qu’on peut regarder comme chaîne & trame, sont souvent tenus écartés les uns des autres par des croisemens ; voyez Gase.

Matériel
  • un « coussin » en forme de « globe aplati par les pôles » :
    • ellipse de diamètres 10 à 12 pouces (27 à 32 cm) et 12 à 14 pouces (32 à 38 cm),
    • intérieur : tout matériau facile à percer par une épingle,
    • enveloppe : toile forte et bien tendue « qui puisse tenir droites & fermes les épingles qu’on y fichera » ;
  • une lisière de velours vert, « de sept à huit lignes plus large que la dentelle qu’on veut exécuter » ;
  • des épingles en laiton, « les unes petites, & les autres plus fortes », juste assez flexibles pour que le fil ne casse pas trop souvent ‒ l’acier inox n’étant pas encore inventé ;
  • des fuseaux en grand nombre, munis chacun d’un casseau en corne fine ;
  • un patron en vélin de couleur bleue ;
  • de petits ciseaux.
Travail de la dentellière
Préparatifs
  • 3 types de travaux : « composer & travailler une dentelle d’idée », « remplir un dessein donné sur le papier seulement », « copier une dentelle donnée » ;
  • « piquer la dentelle » : comment placer le patron, comment piquer deux ou trois épaisseurs de patrons à partir de la dentelle à reproduire ;
  • les fuseaux sont attachés individuellement (et non par paires) à plusieurs sur une épingle plantée dans le rouleau, par un nœud d’agui.
Comment apprendre à faire la dentelle

La « Maniere fort simple d’apprendre à faire la dentelle la plus composée en très-peu de tems » est d’avoir une dentellière démontrant les différents points, et de prendre des notes précises, tout en numérotant les 4 fuseaux travaillés par leur position, de 1 à 4. La pédagogie dentellière n’a guère changé depuis 1754…

Points décrits

Suivent plusieurs descriptions de points, où l’auteur utilise des termes parfois obscurs, parfois encore en usage.

  • Termes toujours en usage :
    • la toile ou entoilage (CTC),
    • tordre deux fuseaux (T), enfermer les épingles ;
  • termes un peu changés :
    • le point simple (CT),
    • les dresses à 4 ou à 8, que nous appelons cordes de 4 et cordes de 8, sont obtenues par tourne-croise (TC) : « Jettez le 2 sur le 1, le 4 sur le 3, le 2 sur le 3 » ;
  • termes anciens :
    • le point de coutume, qui pourrait être le « point » dessiné sur la planche II : dans ce cas, il s’agirait d’un parent de CTCT ( en fait TTCTC·) ;
    • le fond percé, le point jetté, le demi-point, le point complet.

Enfin, l’expression « faire un point » revient fréquemment dans les descriptions des autres points ou fonds, sans identification précise : le point de coutume pourrait être sous-entendu, comme le point simple, ou même l’opération de croiser les fuseaux (C).

Modestie quand tu nous tiens

J.-M. Papillon, qui a le réel mérite de nous renseigner sur l’état de l’art au milieu du XVIIIe siècle, s’envoie des fleurs tout au long de l’article, quant à la qualité de ses descriptions :

Quand l’art de faire la dentelle seroit perdu, ce que je viens de dire suffiroit seul pour qu’il fût très-facile de le retrouver.

et à la difficulté prétendue de la dentelle :

Ayez en travaillant votre écrit sous les yeux. Bien-tôt cet écrit vous deviendra inutile ; vous acquerrerez la connoissance des points & l’habitude de manier, de ranger, & de retrouver vos fuseaux ; & en moins de huit jours le merveilleux de la dentelle disparoîtra pour vous ; c’est du moins ce qui est arrivé à l’auteur de cet article.

Planches « Dentelle et façon du point »

Planches entières

Une page de légendes suivie de trois planches ont été publiées dans le volume 24 de 1763, sous-titré « Recueil de planches sur les sciences, les arts libéraux et les arts méchaniques, avec leur explication ».

Planche I : travail et matériel

La première planche est la plus intéressante, car elle montre le travail de dentellières aux fuseaux sur un carreau à roue du milieu du XVIIIe siècle, et le matériel nécessaire.

Planche II : « façon du point »

Cinq mouvements de base sont représentés :

  • les deux mouvements de base actuels (noms contemporains) :
    • Ttourne : déplacer simultanément les fuseaux 2 et 4 au-dessus des fuseaux 1 et 3 respectivement,
    • Ccroise : déplacer le fuseau 2 au-dessus du fuseau 3 ;
  • trois mouvements disparus (noms inventés) :
    • dCdé-croise : déplacer le fuseau 3 au-dessus du fuseau 2,
    • dbleCdouble-croise : déplacer le fuseau 1 au-dessus des fuseaux 2 et 3,
    • tpetit-tourne : déplacer le fuseau 4 au-dessus du 3.

On peut remarquer, en suivant les fils de la figure 5, que la suite de mouvements dCdbleCt est équivalente au CT actuel. Finalement, le point exécuté dans cette « façon du point » est TTCTC· (tourne, tourne, croise, tourne, croise, épingle), un cousin du CTCT actuel.

Planche III : les patrons

La dernière planche offre trois modèles de fonds :

  • le point d’Angleterre, ainsi nommé parce qu’il était exécuté pour l’export vers l’Angleterre, où il avait un grand succès (piqué et réalisation) ;
  • le point à quatre trous (piqué et réalisation) ;
  • le point carré, dont le piqué ressemble fort au fond mariage actuel (piqué seul).

La planche se termine sur un exemple de dentelle avec toilis.

Sources

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