Les bases en dentelle Ténériffe

La dentelle Ténériffe , descendant de la dentelle Sol comme le Ñandutí du Paraguay, se réalise en deux étapes sur un métier spécial appelé moule : la fabrication du réseau de fil tendu, puis son ornementation. Des papiers gradués circulaires et carrés permettent de dessiner soi-même un patron.

Fabriquer le réseau de fil tendu

La technique de fabrication du réseau dépend en partie du métier utilisé.

Le réseau en Ñandutí

Le Ñandutí, fidèle à son origine de jours sur toile, se prépare toujours sur une toile tendue sur un cadre.

Pour un motif à extraire, la forme extérieure de l’ornement – souvent un cercle – est tracée sur papier, puis recopiée, par transparence, à petits points dans la toile, avec un fil de maintien destiné à être coupé pour libérer l’ouvrage. Les autres fils, de réseau ou d’ornement, ne traversent pas la toile tendue.

Pour un motif devant rester sur la toile, le fil de réseau est mis en place en piquant à petits points directement dans la toile tendue, chaque point étant diamétralement opposé au précédent ; le parcours du fil reste au-dessus de la toile. En toute fin de travail, la toile sous les motifs est retirée aux ciseaux après avoir bien fixé le bord.

Dans les deux cas, le long fil de réseau effectue des aller-retours entre points diamétralement opposés, de façon à former environ 120 à 150 rayons par cercle – c’est-à-dire, entre 30 et 40 allers-retours sur le diamètre.

Le réseau en dentelle Ténériffe

Au début du XXe siècle, plusieurs types de moules étaient disponibles pour la dentelle Ténériffe, dans une course au brevet transatlantique entre l’Europe et les États-Unis, pour cette dentelle aujourd’hui presque oubliée.

Sur moule à pointes radiales

Ce type de moule existait en plusieurs matières dans les années 1930, avec ou sans mécanisme pour rétracter les pointes. Thérèse de Dillmont décrit le moule caoutchouc, un anneau large avec de petites pointes en métal le long de son bord extérieur, assez rigide pour bien tendre le fil de réseau, et assez flexible pour l’en extraire facilement une fois l’ouvrage terminé ; on peut recouvrir la face de travail de l’anneau d’une toile sombre, pour ménager les yeux. Il existe également, pour les plus grands ouvrages, des moules caoutchouc comportant un second rang de pointes sur leur bord intérieur.

Sur le moule ci-dessus, à 36 pointes, on commence par une bouclette nouée de sorte que le nœud soit placé au centre du moule. puis on procède par allers-retours comme dessiné ci-dessus, sans couper le fil de la bobine. Après le dernier aller-retour, on noue le fil de la bobine au bout de fil de la première bouclette par un nœud de dentellière.

Sur moule contemporain

Alexandra Stillwell recommande l’utilisation d’un moule en polystyrène extrudé recouvert de tissu, muni d’un patron sur lequel on marque le centre, l’emplacement des épingles, et la position des principaux éléments de décoration choisis. Ainsi le même moule peut être utilisé pour toutes les formes de dentelle Ténériffe.

On commence par épingler le patron au moule. On enfiler une aiguille avec le fil du réseau pour traverser le moule de haut en bas, au centre du patron. On retire l’aiguille et on fait un nœud sous le bloc du moule, puis on réalise les allers-retours tout comme avec le moule caoutchouc, en notant A la première épingle entourée et B la seconde.

Après la dernière épingle entourée (près de A), on fait traverser le fil diamétralement et on le fixe au côté opposé du moule (près de B), en tournant deux fois autour d’une épingle qu’on enfonce dans le côté. On enfonce alors toutes les épingles du dessus, et on coupe le fil assez loin, à 1 ou 2 m du bord du moule, si on désire l’utiliser pour l’ornementation. Puis on l’enfile sur une aiguille à tapisserie, à bout rond.

Orner le réseau

la roue centrale

Le réseau une fois créé, on réalise avec le même fil (ou avec un autre, de couleur contrastée) au moins deux tours en point de reprise autour du centre, en partant de l’épingle B, pour fixer durablement le réseau.

En appuyant fermement avec le pouce sur le centre du réseau, on libère l’épingle latérale et on passe l’aiguille dessus-dessous chaque paire de fil attachée à une épingle, en alternant au rang suivant. En serrant, la roue se forme au centre du réseau. Pour passer à l’ornementation, on quitte au dernier rang après avoir piqué dans le rang précédent.

Plusieurs variantes de cette technique permettent de faire des effets divers au centre de l’ouvrage : on peut ainsi passer l’aiguille dessus-dessous pour chaque fil (et non paire de fils) ; ou passer trois fils dessous, trois fils dessus, en décalant d’un fil l’alternance à chaque rang, ce qui forme un centre spiralé.

Les lignes de nœuds

L’ornementation la plus simple est la ligne de nœuds, en cercles concentriques. Selon le choix des fils noués, il peut rassembler ces fils en faisceaux, ou au contraire les écarter.

Le dernier nœud, à la fin du cercle, est réalisé par-dessus le premier. On peut alors couper le fil après l’avoir fixé avec une goutte de durcisseur.

À gauche, la disposition des fils est inchangée. Au milieu, on obtient un faisceau unique provenant du centre, qui se sépare au-dessus du nœud en 3 branches. À droite, les fils sont séparés de sorte à donner le bord dentelé typique en dentelle Ténériffe, représenté dans le schéma de droite des bords (ci-dessous).

La ligne de bord

La ligne de nœuds extérieure détermine l’aspect du bord de l’ouvrage : dentelé ou picoté.

À gauche, le bord à picot est obtenu par la ligne de nœuds de gauche du schéma précédent. Au centre, le bord est obtenu en faisant un nœud par par fil. À droite, le bord est obtenu par la ligne de nœuds de droite du schéma précédent.

Au-delà de cette ligne, le bord peut être laissé tel quel, ou on peut lui rajouter une lisière en dentelle à l’aiguille.

Les entrelacs

Les entrelacs sont travaillés après les lignes de nœuds ; ils sont toujours situés entre deux de ces lignes. On les travaille exactement comme les rivières dans les jours sur toile.

L’aiguille sort de bas en haut entre les fils de la paire 1. Elle passe au-dessus du second fil de la paire 1 et du premier fil de la paire 2 et plonge de haut en bas entre les fils de la paire 2. Elle sort en arrière, entre les paires 1 et 2, puis plonge de haut en bas entre les fils de la paire 1. Elle repart vers l’avant en sortant de bas en haut entre les fils de la paire 2. L’entrelac se forme en tendant le fil.

Les motifs en point de reprise

Le point de reprise passe alternativement dessus et dessous tout fil ou groupe de fils qu’il traverse, en alternant d’un rang sur l’autre.

Les motifs en point de reprise forment les dessins opaques des ouvrages en dentelle Ténériffe. Il en existe une grande quantité, généralement géométriques mais ils peuvent aussi être figuratifs comme en Ñanduti.

Les triangles nécessitent un espace triangulaire entre deux lignes de nœuds consécutives. Les roues, ou rosettes, sont formées en recouvrant des nœuds ayant un nombre impair de rayons (ici, 5 rayons). Les carrés ou rectangles sont réalisés dans des espaces rectangulaires, et ils ne sont pas nécessairement ancrés dans une ligne de nœuds : ils peuvent être décalés pour former des frises.

Les motifs avec d’autres points

Tous les points d’ornementation sur grille carrée ou triangulaire conviennent.

Retirer l’ouvrage du moule

Avec le moule contemporain, on coupe le nœud sous le moule, on retire toutes les épingles et on retire délicatement l’ouvrage en faisant attention à ce que l’extrémité du fil de réseau ne déforme pas l’ouvrage. Puis on coupe ce fil à ras. Habituellement, la face supérieure de l’ouvrage est le « bon » côté, mais ce n’est pas une obligation.

Préparer un patron

Exemples de motifs DMC
Relever le patron d’un motif

On utilise un calque que l’on place sur une photo de dentelle Ténériffe terminée, dont on veut reproduire le motif. On relève le centre, les emplacement des épingles (au bout des dents), et les positions des lignes de nœuds ou autres ornements.

On retourne ensuite le calque sur de la cartonnette, puis on le recouvre l’ensemble d’adhésif bleu ou orange mat, et on l’épingle sur le moule contemporain.

Dessiner un nouveau patron

Pour dessiner un nouveau patron, choisir un papier gradué ci-dessous et placer un calque dessus.

  1. Tracer le centre, puis le bord du motif, à la taille qui vous convient.
  2. Tracer les cercles correspondant aux positions des lignes de nœuds ou des autres ornements.
  3. Tracer les positions des épingles, qui sont à l’intersection des rayons et du bord.
  4. On termine le patron comme précédemment.
Papiers gradués
Pourquoi des papiers gradués ?

Quelle que soit la forme du motif, les fils doivent être également espacés pour que la dentelle soit belle. Les épingles doivent donc être placées à l’intersection des rayons tracés depuis le centre et du bord. Les positions des épingles au bord des motifs non circulaires ne sont pas régulières, d’où la nécessité des papiers gradués pour créer des motifs.

Télécharger une page de papiers gradués

Les pages pdf de papiers gradués ci-dessous correspondent à une feuille A4 pour une impression à l’échelle 100% : cela permet de tracer des motifs pour un moule contemporain de 10 cm x 10 cm.

Pour télécharger un pdf de papiers gradués, cliquer sur l’image qui vous convient.

Choisir le bon papier gradué

Les tableaux ci-dessous permettent de choisir un papier gradué adapté au nombre souhaité de rayons — double du nombre d’épingles — pour des motifs ronds ou carrés.

Le nombre entre parenthèses est la plus fine graduation du papier gradué.

Haut gauche (2,5°)Haut centre (3°)Haut droite (3,6°)
144 rayons à 5°120 rayons à 6°100 rayons à 7,2°
72 rayons à 10°60 rayons à 12°50 rayons à 14,4°
36 rayons à 20°30 rayons à 24°
Bas gauche (2,5°)Bas centre (3°)Bas droite (3,75°)
96 rayons à 7,5°80 rayons à 9°64 rayons à 11,25°
48 rayons à 15°40 rayons à 18°32 rayons à 22,5°
24 rayons à 30°20 rayons à 36°

La descendance de la dentelle Ténériffe

Les différentes sortes de flower looms, avec une ou deux rangées de picots en cercle ou en carré, rétractables ou non, descendent directement des moules à dentelle Ténériffe du début du XXe siècle. On peut trouver leur description détaillée, et des exemples de réalisations au chapitre 7 du livre d’Alexandra Stillwell.

Sources

Cet article a été écrit à partir de sources dans le domaine public :

Les schémas ont été réalisées par Sylviane P. sous Xfig.

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